1Parmi les soixante-dix-huit contributions au Comité de Recherche Éducation, Formation, Socialisation du dernier congrès de l’Association Internationale des Sociologues de Langue Française (AISLF), sept furent consacrées aux “Socialisations non scolaires”. L’invitation pour les congressistes à “Penser l’incertain” a sans doute favorisé l’étude de formes sociales dont les finalités éducatives sont parfois contingentes, voire improbables. (Cet article reprend et développe une communication présentée en juillet2012 au XIXecongrès de Rabat.) Ces contributions témoignent d’un regain d’intérêt pour ce champ en marge de la sociologie de l’éducation. C’est notamment le cas pour l’étude des jeux et des loisirs comme espaces d’apprentissages informels (Brougère 2002) auxquels était dédié le numéro10 d’Éducation et Sociétés (Jeu, loisirs et éducation informelle 2002/2), qui trouve dix ans plus tard un nouvel essor avec l’avènement des jeux en ligne (Berry 2012), des jeux sérieux (serious games) (Brody & Roucous 2013) ou encore du poker dont il est question ici. Le propos n’est pas de refaire l’inventaire de la notion d’informel en éducation (Brougère & Bezille 2007), mais d’ouvrir à nouveau la boîte noire des apprentissages non programmés pour mettre au jour les conséquences fortuites d’un jeu de hasard.
2Cette recherche se fonde sur une série d’enquêtes ethnographiques menées depuis 2007 auprès de joueurs de poker français. Dans une première enquête, l’auteur utilise sa position de joueur pour étudier un terrain proche: les mondes privés du jeu. Il observe et interroge son propre cercle de joueurs en se focalisant sur les formes de sociabilité produites dans le cadre d’une pratique de loisir entre amis (Brody 2011a). Dans une deuxième enquête, il revisite son objet à partir d’une observation de sites de poker en ligne, en explorant plus particulièrement des parties sans argent. Enfin, une troisième enquête a été consacrée à l’observation d’un championnat de France de poker organisé en partenariat avec un site de jeu en ligne. Les différentes étapes de la compétition ont donné lieu à une observation participante avec l’équipe d’organisation, à une observation directe du jeu et à une cinquantaine d’entretiens réalisés in situ avec les joueurs éliminés du tournoi.
3En la situant dans le cadre d’une “ethnographie économique” (Dufy & Weber 2007), l’objectif de l’enquête par “revisite en continu” (Burawoy 2010) était d’étudier la place de l’argent dans différentes pratiques du poker (entre amis, en ligne et en tournoi). Face aux présupposés de la “gratuité” (Huizinga 1951) ou de l’“improductivité” de la sphère ludique (Caillois 1967), l’échange monétaire est non seulement apparu au cœur du jeu, mais semblant participer d’une “socialisation économique” (Zelizer & Weber 2006), comme dans le fait d’apprendre à gérer son budget ou à différencier l’argent du jeu d’autres types de monnaies (Brody 2011b). Plus largement, il fallait repenser le jeu d’argent à la fois comme une forme de sociabilité et, pour citer Simmel, comme “une forme ludique de la socialisation” (1991, 125).
4Une façon d’appréhender ces formes de la socialisation (économique) des joueurs de poker est de s’intéresser à leur usage des mathématiques. À la suite des travaux de Lave sur les pratiques de calcul des tailleurs du Liberia, cet article délaisse les mathématiques scolaires ou scientifiques “comme domaine privilégié de la connaissance abstraite” (2009, 184) pour étudier les “mathématiques ordinaires” (mondain math) ou profanes en tant que pratique située et socialement constituée mettant en jeu des quantités et des préoccupations de la vie quotidienne. Par quel hasard un jeu d’argent comme le poker peut-il devenir un espace ordinaire d’apprentissage des mathématiques? Pour répondre, il faut d’abord écarter certaines approches psychothérapeutiques des jeux de hasard et d’argent (gambling) dès lors qu’elles prônent une conception formelle du hasard qui nie aux joueurs toute possibilité d’apprendre à l’intérieur du jeu. Chemin faisant, une approche alternative permet de mieux saisir les fondements probabilistes du poker pour reconsidérer les martingales des joueurs comme des pratiques de calcul au sens large. Différents récits de pratique sont étudiés pour tester l’hypothèse selon laquelle l’incertitude du joueur face à son jeu produirait des apprentissages d’ordre mathématique dont les joueurs n’ont pas toujours conscience.
5Dans un ouvrage intitulé Le jeu excessif: comprendre et vaincre le gambling, les psychologues Ladouceur et al. (2010) proposent de différencier ainsi les jeux d’adresse et les jeux de hasard: “À un jeu d’adresse, le joueur peut améliorer sa technique et modifier le résultat en sa faveur. Par exemple, plus il joue au billard, meilleur il devient et plus il augmente ses chances de gagner contre des adversaires. À l’inverse, avec les jeux de hasard, il est impossible pour quiconque de s’améliorer de quelque façon que ce soit et de changer le résultat. S’il en était autrement, il faudrait reconnaître qu’il est possible d’exercer une forme d’action sur le hasard. Cela n’en respecte pas la définition: le hasard représente ce qui n’est pas prévisible” (2010, 265).
6Une telle définition se révèle problématique pour qui s’intéresse à la socialisation des joueurs: non seulement elle ne leur reconnaît aucune capacité d’agir sur le hasard, mais elle postule que les jeux de hasard ne peuvent faire l’objet d’aucun apprentissage. La loi mathématique d’indépendance des tirages empêcherait, en effet, les joueurs de tirer des leçons des événements passés. Pour les psychologues, si les joueurs persistent à donner du sens à leur pratique, c’est forcément qu’ils développent “une perception de contrôle illusoire à l’égard des jeux de hasard et d’argent” (Ladouceur et al. 2010, 13-14). Cette “illusion de contrôle” face à l’issue aléatoire du jeu est associée à ce qu’ils nomment indifféremment “cognition, pensée ou croyance erronée”, à savoir “toute pensée du joueur qui va à l’encontre des principes logiques des jeux de hasard et d’argent” (2010, 87), comme le fait de croire en ses chances un vendredi13 ou de parier systématiquement les mêmes numéros à la loterie. On peut regretter avec Barrault et Varescon (2012) que peu d’études expérimentales soient consacrées aux “jeux de hasard impliquant une part de stratégie” (26). Toujours est-il que cette terminologie de la “distorsion cognitive” s’étend à l’ensemble des jeux de hasard, y compris au poker (Sévigny & Ladouceur 2007, Boutin 2010, Barrault 2012).
7Si cette littérature cognitivo-comportementale s’adresse en priorité aux joueurs pathologiques, elle est porteuse d’une vision globale et rationaliste du jeu que Martignoni (2000) dénonce à propos des machines à sous. Contre l’idée que l’acte de jouer relèverait d’une fausse croyance, le sociologue affirme que “la croyance du joueur en de pseudo-lois de compensation confirme la connaissance pratique qu’il a de la loi des grands nombres. Il y a chez le joueur un sens ludique –véritable sens pratique– adapté aux vicissitudes du jeu et aux caprices du hasard” (2000, 164). S’opposent ainsi une “logique ludique [qui] autorise le jeu et permet parfois le succès” et une “logique probabiliste [qui] ne donne aucune solution pour jouer et inviterait plutôt à ne pas le faire” (Martignoni 2000, 164). Cette seconde logique que l’auteur qualifie de “morale mathématique” procède selon lui d’un “ethnocentrisme de l’intérieur” (Martignoni 2000, 167) qui présente les joueurs comme des individus sujets à des pensées irrationnelles qu’il s’agirait de “corriger” (Ladouceur et al. 2010, 37).
8Une récente étude (Mitrovic & Brown 2009) montre pourtant que “les distorsions cognitives ne seraient pas centrales dans le développement et l’existence de problèmes de jeu chez les joueurs de poker” (11). Ces auteurs insistent sur la nécessité “de ne pas utiliser les mêmes modèles psychologiques pour différentes formes de jeux de hasard” et reconnaissent que l’environnement social du joueur peut “affecter les facteurs cognitifs et motivationnels qui facilitent et/ou empêchent le développement du jeu compulsif” (11). Les critiques de Valleur à l’encontre des thérapeutes pourraient être reprises qui “tentent de corriger les cognitions erronées des joueurs pathologiques”, en acceptant d’une part “que, spontanément, personne n’a du hasard et des probabilités une appréhension conforme aux données mathématiques” et, d’autre part, en postulant “qu’une des fonctions du jeu est précisément de permettre une régression dans un monde où le hasard est remplacé par la chance et le destin, où le joueur peut croire que la force de ses désirs influence directement le cours de sa vie” (Valleur 2005, 21).
9Sans vouloir trancher ce débat disciplinaire (Martignoni 2005), notons qu’il repose sur deux conceptions contradictoires du hasard. Pour comprendre les pratiques de calcul des joueurs, il faut sans doute abandonner le prisme probabiliste des psychologues et des mathématiciens. Pour ce faire, l’analyse des ethnomathématiques ou des mathématiques ordinaires, présente des modèles alternatifs aux représentations occidentales et scolaires.
10Ascher (1998) fonde la notion d’ethnomathématique sur ce principe relativiste selon lequel les “idées mathématiques” ne sont pas le monopole des Occidentaux, ni même des mathématiciens, mais prennent des formes diverses en fonction des cultures et des environnements. Si les mathématiques occidentales se caractérisent selon Ascher par l’artefact d’une “décontextualisation”, elle considère cependant que “toutes les idées mathématiques, dans les cultures traditionnelles ou non, doivent être examinées dans leur contexte culturel” (1998, 229). En prenant différents jeux traditionnels pour objet, elle s’est alors penchée sur un jeu de hasard très répandu chez les Amérindiens, qu’elle baptise le “jeu du plat”. Il consiste pour deux joueurs à secouer chacun à son tour une demi-douzaine d’objets à deux faces dans un plat, à comptabiliser les points obtenus et à recommencer selon le résultat. Le système de score en vigueur chez les Caguya (Ithaca, État de New York) sert d’exemple à Ascher. Dans le jeu en question, lorsque les six noyaux de pêches utilisés tombent sur la même face, le premier joueur marque cinq points et gagne le droit à un second lancer. S’il obtient cinq faces identiques, il marque seulement un point, mais peut encore rejouer. En deçà de cinq faces, il passe son tour au second joueur et ainsi de suite jusqu’à ce qu’un d’entre eux atteigne le nombre de points fixé pour le vainqueur (entre 40 et 100 points).
11À l’appui du tableau ci-dessous, l’auteure constate que ce système de score correspond exactement aux probabilités de sortie de chaque combinaison de faces et en déduit que cette correspondance “suggère fortement une base probabiliste” (Ascher 1998, 111) pour la structure de ce jeu.
Figure 1
PointsProbabilités0Arrêt après le premier coup78,13%78,13 %1Arrêt après le deuxième coup14,65%17,09%5Arrêt après le deuxième coup2,44%2Arrêt après le troisième coup2,75%3,75 %6Arrêt après le troisième coup0,92%10Arrêt après le troisième coup0,08%3Continuer un quatrième coup0,66%1,04 %7Continuer un quatrième coup0,33%11Continuer un quatrième coup0,05%15Continuer un quatrième coup0,00%
12Une telle conclusion, qu’on retrouve également chez Gerdes (1996) à propos d’un jeu pratiqué en Côte d’Ivoire, peut s’appliquer au poker. Dans le tableau qui suit, la hiérarchie des combinaisons de cartes (dans la colonne de gauche) correspond aux probabilités de tirage de ces combinaisons (dans la colonne de droite). Par exemple, il est plus probable d’avoir un carré d’as qu’une quinte flush royale, c’est-à-dire dix-valet-dame-roi-as de la même couleur (pique, cœur, carreau ou trèfle), ce qui justifierait que cette dernière combinaison soit la “meilleure main” du poker. Faut-il en déduire pour autant que la pratique de ce jeu de cartes s’appuie sur une “base probabiliste”?
Figure 2
CombinaisonsProbabilitéPaire109824042,3%Double paire1235524,75%Brelan549122,11%Quinte102000,392%Couleur51080,197%Full37440,144%Carré6240,0240%Quinte flush360,00139%Quinte flush royale40,000154%
13Dans un chapitre consacré aux apprentissages ethnomathématiques, Dasen, Gajardo & Ngeng (2005) soulignent: “Si le jeu de hasard lui-même implique une évaluation correcte des probabilités, cela ne prouve pas que l’individu qui les pratique ait cette compréhension” (45). Il s’agit pour eux de distinguer, d’une part, les mathématiques dites “figées” qui demeurent “implicites dans une activité culturelle”, et d’autre part, les “mathématiques vivantes” qui renvoient quant à elles à “des pratiques quotidiennes comprenant des processus mathématiques […] effectués en présence des chercheurs, même si les acteurs ne sont pas nécessairement conscients de “faire des mathématiques” (45).
14Contrairement à certains travaux visant une modélisation théorique de la décision et de l’apprentissage du joueur (Schaeffer, Billings, Peña & Szafron 2001), la présente enquête de terrain se tourne résolument du côté des mathématiques vivantes du poker, celles d’un joueur pris au jeu (in-ludere) qui calcule sa décision tout en découvrant ses cartes (cf. figure3). Dès la première enquête auprès des joueurs de poker en partie privée, j’avais noté l’omniprésence de cette activité de calcul, que ce soit dans le jeu ou dans les discours de justification d’un coup gagné ou perdu. Principalement fondés sur des probabilités, ces calculs que les joueurs empruntaient à des ouvrages ou des sites spécialisés semblaient plus intuitifs que rigoureux. L’hypothèse fut qu’ils n’étaient pas une finalité en soi, comme la résolution d’un problème mathématique par exemple, mais un moyen pour eux de prendre ou de justifier telle ou telle décision dans une situation d’incertitude.
Figure 3
15“Jouer, c’est toujours décider dans l’incertain”, souligne Henriot (1989, 239). En ce sens, la notion d’incertitude vise à décrire la situation dans laquelle se trouve le joueur en cours de jeu, quand le hasard qualifie de façon abstraite une composante du jeu en tant que structure (le tirage aléatoire des cartes). Définie par la praxéologie comme une “propriété d’imprévisibilité attachée à certains éléments d’une situation” (Parlebas 1981, 84), l’incertitude du joueur ne vient donc pas uniquement du hasard des cartes, mais de l’environnement du jeu ou de l’attitude de ses adversaires. Le joueur étant tenu d’agir face à cette situation plus ou moins imprévisible, la pratique du poker –jeu d’incertitude plutôt que de pur hasard– se laisse ainsi penser en termes d’apprentissage: il revient au joueur d’apprendre à décider dans l’incertain. À cet égard, les remarques de Parlebas à propos des jeux sportifs trouveraient un certain écho chez les joueurs de poker: “Les procédures d’apprentissage varieront considérablement selon qu’elles concerneront des situations standardisées ou des situations mouvantes” (1981, 86). Au poker, c’est au joueur de standardiser les situations toujours mouvantes qu’il rencontre.
16Christophe, un étudiant en droit de 28ans interrogé lors de la première enquête, raconte un coup de poker qu’il justifie par un calcul mathématique: “[…] / c’est important de mémoriser les parties où tu t’es bien fait avoir / pour éviter de faire la même chose la fois d’après / […] une fois / j’avais… une paire de valets je crois / t’as… un valet qui tombe avec deux autres cartes de la même couleur / genre c’est trois piques // donc moi j’avais un brelan mais avec un tirage couleur possible // donc je mets la pression comme un fou parce que j’me dis: bah les mecs s’ils veulent choper leur couleur va falloir qu’ils y aillent / je mets… genre vingt jetons // là si tu fais la cote / normalement tu as tout intérêt à te coucher même si t’as la couleur parce que statistiquement tu la choperas jamais ta carte /” (Christophe, Paris 2007).
17Dans ce premier extrait, Christophe évoque une situation de jeu a priori favorable mais encore incertaine: “un brelan (trois cartes de la même hauteur, ici trois valets) mais avec un tirage couleur possible (cinq cartes de la même couleur, ici cinq piques)”. Dans la variante du jeu concernée, plusieurs tirages aléatoires de cartes se succèdent, l’un d’entre eux pouvant toujours renverser l’ordre établi. Pour faire face à cette incertitude, le joueur se réfère au calcul de la “cote”. Ce calcul consiste, pour simplifier, à évaluer les chances qu’un joueur a de compléter sa “main” par rapport à l’argent qu’il remporterait si elle devenait “gagnante”. Dans la situation de Christophe, cela reviendrait à calculer les chances qu’ont ses adversaires d’obtenir une couleur (peu probable) et de les rapporter à l’argent mis en jeu, soit les “vingt jetons” qu’il a déjà misés. Le détail du calcul n’est pas précisé, mais son évocation suffit pour justifier sa décision: renchérir pour que ses adversaires “se couchent”, c’est-à-dire abandonnent le coup.
18Or non seulement ses adversaires payent sa relance, mais le tirage de la carte suivante lui est défavorable: “[…] / et bah la carte d’après c’était un pique // j’me dis: évidemment y a un mec si ce n’est deux qu’ont chopé leur couleur / et donc bah moi j’me couche hein évidemment // […] et ça je m’en souviens / parce que justement j’étais dégoûté d’avoir un brelan / mais… j’suis dégoûté parce que j’ai pas eu de chance / y a un pique qui tombe / mais je suis content de m’être couché / parce ce que j’aurais pu m’enflammer… // en fait quand j’fais pas d’erreur / même si j’me couche / c’est pas gênant / ce qui est gênant c’est quand tu fais une erreur d’appréciation // alors que le but du jeu c’est de ne pas faire d’erreur et de pousser les autres à en faire/” (Christophe, Paris 2007).
19Ce qui est paradoxal dans ce deuxième extrait, c’est la façon dont le joueur assure qu’il n’a pas “fait d’erreur” alors même qu’il a perdu le coup. Ne pas avoir eu de “chance” n’est pas synonyme d’échec, mais au contraire d’une juste “appréciation” de la situation. D’ailleurs, lorsque Christophe découvre ce malheureux pique qui donne un avantage certain à ses adversaires, sa décision ne semble souffrir d’aucune hésitation: “bah moi j’me couche hein évidemment”. S’il va bien “mémoriser” ce coup, ce n’est donc pas pour “éviter de faire la même chose la fois d’après”, mais précisément parce qu’il considère avoir fait les bons choix, contrairement à ses adversaires qui, certes, ont remporté la mise, mais qui, selon lui, auraient mieux fait de se coucher. On peut dès lors se demander ce qui pousse le joueur à mémoriser une décision qui n’a pas (encore) fait ses preuves.
20Tout se passe comme si les choix successifs du joueur (miser, puis se coucher) avaient été dictés par une procédure ad hoc qu’il a simplement mise en pratique. Fradet, dans un ouvrage spécialisé que Christophe a avoué plus tard avoir appris par cœur précise: “[…] Lorsque vous avez une main qui a une valeur immédiate, comme par exemple un brelan, la meilleure stratégie est la plupart du temps de miser pour rentabiliser votre main pendant qu’elle est la main gagnante” (Fradet 2006, 58). À la lecture de ce passage, on comprend que la décision de Christophe ne relève pas forcément de la mémorisation d’un coup précédent, mais de l’application d’une réponse standardisée au problème auquel il était confronté. Quand le joueur explique que “si tu fais la cote / normalement tu as tout intérêt à te coucher”, il fait comme s’il avait utilisé la formule mathématique qui sous-tend le calcul des “cotes du pot” rapportée aux cotes d’un tirage couleur (cf. figure4). En réalité, Christophe a simplement mémorisé le résultat de ce calcul qui consiste à faire un ratio entre le montant de l’enjeu et l’incertitude du tirage. Peu importe l’exactitude du résultat, le joueur pris au jeu l’utilise dans l’unique but de savoir, pour ainsi dire, si le jeu en vaut la chandelle.
Figure 4
21Dans une démarche d’ethnographie réflexive, Lave montre comment elle dut progressivement se défaire d’“une grille de lecture d’inspiration scolaire” (2009, 194) pour envisager les pratiques de calcul des tailleurs dans les échoppes à travers le modèle des mathématiques ordinaires: “L’idée de départ était que s’il existait deux façons de résoudre un problème, mais que l’une demandait plus d’efforts que l’autre, les tailleurs choisiraient vraisemblablement la seconde. Moins le calcul était précis, moins il demandait d’efforts. Et une solution mémorisée demandait moins d’efforts encore […]” (2009, 194). Cette idée-force d’une standardisation du calcul à partir d’une solution mémorisée implique de concevoir les mathématiques comme une pratique située dans un environnement social, comme lorsqu’il s’agit pour des tailleurs de tirer le meilleur profit d’une nouvelle vente: “Parce que des problèmes de ce genre sont bien connus et que seules les données changent, les stratégies offrant une alternative au calcul précis consistent à établir des relations entre données anciennes et/ou standards et données nouvelles, plutôt que de refaire les calculs à partir des nouvelles données pour produire de nouveaux résultats” (2009, 200). Lave en conclut qu’une approche qui valorise une réponse standardisée “débouche plus souvent sur une décision que sur une résolution de problème” (2009, 200).
22Dans la pratique du poker, la standardisation des résultats serait un moyen pour les joueurs de prendre des décisions sans passer par des calculs mathématiques précis. Cela ne signifie pas que l’activité de calcul est absente du jeu, mais qu’elle s’applique davantage à réguler une situation où il faut jouer avec la chance –en tant que “forme ludique du hasard” (Martignoni 2000, 168)–, plutôt qu’à résoudre les problèmes que pose le hasard –en tant que “forme scientifique de la chance” (Martignoni 2000, 168). C’est le calcul au sens le plus large, celui d’une opération numérique ou logique qui résulte d’une finalité pratique. Comment les joueurs apprennent-ils ainsi à calculer leurs chances dans une situation incertaine?
23Dans une tentative pour conceptualiser les apprentissages informels, Schugurensky (2007) nomme “apprentissages fortuits” cet ensemble bigarré des “expériences d’apprentissage qui se produisent quand l’apprenant n’a, au préalable, aucune intention d’apprendre de cette expérience mais se rend compte, une fois l’expérience terminée, qu’il a appris quelque chose” (16). Dans le cas d’un jeu de hasard, ce type d’apprentissage imprévu questionne tout naturellement l’imprévisibilité attachée à la situation elle-même. L’incertitude serait-elle une situation propice aux apprentissages fortuits? Force est de constater qu’à l’instar des citoyens interrogés par Schugurensky au sujet de leurs apprentissages involontaires de la démocratie, la présence d’un apprentissage par le jeu est loin d’être évidente pour les joueurs eux-mêmes. À la question de savoir ce qu’ils ont tiré comme bénéfice de leur expérience du poker, la plupart ne sauront quoi répondre, si ce n’est qu’ils ont appris à jouer le jeu pour lui-même. À l’évidence, les joueurs ne jouent pas pour apprendre, cependant une analyse attentive de leurs récits de jeu permet de dévoiler les traces d’un apprentissage plus ou moins tacite.
24Alexandre, joueur amateur de 35ans, enseignant dans le secondaire, interrogé en 2011 lors du tournoi objet de la troisième enquête, raconte ainsi la “main” qui précède son élimination de la compétition: “[…] / la dernière main elle a un intérêt limité parce que c’est un move standard quand tu connais le poker / j’ai as-dame et j’ai plus que deux mille de tapis // donc j’envoie tapis parce que j’ai moins de dix tours de blindes restants / et je suis payé par une femme qui a as-roi / et il tombe deux rois // donc voilà ma dernière main /” (Alexandre, Tours 2011).
25Dans un vocabulaire qui indique une relative maîtrise du jeu, Alexandre justifie le choix de miser l’ensemble de ses jetons par un mouvement, une prise de décision conforme aux canons de la pratique (move standard): “j’envoie tapis parce que j’ai moins de dix tours de blindes restants”. Peu importe qu’il soit éliminé du tournoi, il est tenu de prendre tous les risques pour préserver ses chances, ce qu’il exprime avec fatalisme par une conversion entre l’argent qui lui reste et le nombre de mises “aveugles” qu’il doit assumer à chaque tour de cartes.
26Cette obligation arithmétique renvoie à l’aléa qui structure le tournoi. C’est ce qu’il explique à travers le récit d’un coup précédent: “[…] / à la fin y a que deux pour cent de qualifiés / donc tu es obligé de jouer de manière agressive / et le facteur chance rentre énormément en jeu parce que justement il y a peu de places / donc du coup j’avais décidé de jouer pas mal de mains… / la main d’avant j’ai roi-dix / donc c’est un peu marginal parce qu’il y a une relance / mais en fait il y a de très bonnes cotes du pot / parce qu’on est plusieurs joueurs dans le coup / donc j’ai 400 à remettre pour gagner un pot qui fait 2400 au total / et je touche roi-dix / j’me dis: bah voilà là j’ai la chance que j’attends // mais j’ai eu ce qu’on appelle un set up / une rencontre infortune/” (Alexandre, Tours 2011).
27Le faible pourcentage de places qualificatives pour la suite de la compétition (“deux pour cent”) est interprété par Alexandre comme ce qui l’“oblige à jouer de manière agressive”, à prendre plus de risques que de raison. Comme il y a peu d’élus, il faut prendre des initiatives parfois improbables: “le facteur chance rentre énormément en jeu”, plaide-t-il. Comme Christophe avant lui, le calcul des cotes du pot lui sert d’étalon pour argumenter sa prise de risque: “j’ai peu à remettre pour gagner un pot qui fait 2400 au total”. Alexandre mise donc une somme conséquente (“400”) sur un investissem*nt “un peu marginal” par rapport aux standards du jeu. Si son échec est attribué à “une rencontre infortune”, à bien des égards le risque semblait calculé.
28Tout en vérifiant (laborieusem*nt) ses calculs, je saisis l’occasion de lui demander comment il a appris à jouer de la sorte avec autant de certitudes. Pour Alexandre, qui se réclame pourtant de la catégorie des “joueurs théoriques”, c’est d’abord en pratiquant qu’on apprend: “[…] / le poker c’est clairement un jeu d’expérience // je pense qu’un joueur qui lit rien peut être très bon / parce qu’il aura une bonne intuition mathématique / ou une bonne lecture de l’adversaire // l’expérience apporte énormément / autant par exemple aux échecs ça jouera peu parce que ça devient vite théorique / je veux dire les coups optimisés ils sont dans les livres / donc les autres te battent s’ils les connaissent / autant là c’est un jeu qui au niveau de l’apprentissage peut… / une situation peut être très révélatrice pour une suivante / j’pense que tu progresses vraiment / c’est vraiment un jeu où il faut faire du volume / il faut jouer beaucoup / pour apprendre /” (Alexandre, Tours 2011).
29De tels propos conduiraient peut-être certains psychologues à diagnostiquer une illusion de contrôle chez ce professeur de physique. En effet, contre tout principe d’indépendance des tirages, Alexandre déclare qu’“une situation peut être très révélatrice pour une suivante” et qu’on “progresse vraiment” en faisant “du volume”, c’est-à-dire en jouant beaucoup. Contrairement aux échecs, le poker lui apparaît comme un “jeu d’expérience” où les mathématiques ne sont pas incompatibles avec l’intuition. Dans certaines circonstances qu’on peut “ressentir quand on connaît un peu le poker”, il faut même savoir “gambler”, ajoute le joueur en référence au fait de miser sur le hasard. Martignoni (2000) a déjà observé cet “intuitionnisme situationnel aléatoire” (163) chez certains joueurs de machine à sous qui n’hésitent pas à “jouer au hasard” pour mieux contrer l’incertain. Le calcul stratégique et l’intuition deviennent alors les deux pôles d’un même horizon vers lequel “l’espérance ludique rejoint l’espérance mathématique” dans la perspective d’un “pragmatisme situationnel” (Martignoni 2000, 163). Chez Alexandre, l’intuition prend la forme d’une décision rationnelle, standardisée, planifiée et devient même objet d’apprentissage. Si la chance entre en jeu, il a appris à la saisir, la tenter, la provoquer au bon moment: “Le joueur sait ce qu’il doit faire –il a le sens du jeu– mais il ne sait pas toujours pourquoi” (Martignoni 2000, 164).
30Le défi méthodologique de l’étude suppose alors de mettre en évidence ces apprentissages malgré “un faible degré d’intentionnalité et de prise de conscience” (Schugurensky 2007, 18). Le procédé utilisé dans les entretiens repose sur les récits de pratique des joueurs et donne parfois lieu à une prise de conscience de leurs apprentissages. À une question insistante sur ce qu’il a appris en pratiquant régulièrement le poker, Thibault, un militaire d’une trentaine d’années interrogé pendant ce même tournoi, met d’abord en exergue la dimension relationnelle du jeu avant de se reconnaître une nouvelle compétence: “[…] / si on veut transposer ce que j’ai appris ou découvert au poker dans mon métier / ouais c’est les relations avec les gens // plus que les facultés de calcul / de probabilités / de cotes / tout ça je ne m’en sers pas dans la vie de tous les jours / je suis pas en bourse / je suis pas… // ça ça me sert à rien // enfin si mentalement je calcule plus vite qu’avant/” (Thibault, Tours 2011).
31Apprentissage non intentionnel et largement inconscient jusqu’à ce que le joueur l’énonce, cette capacité à calculer “plus vite qu’avant” n’a pas seulement germé dans son esprit par hasard, elle est aussi le fruit du hasard et des situations incertaines qui l’ont vu naître. Se joue alors un “effet de transfert” (Lave 2009, 184) entre deux mondes que l’histoire des idées a longtemps séparés: le jeu et la vie courante (Huizinga 1951, Caillois 1967). Si Thibault a acquis cette vitesse de calcul par la pratique d’un jeu de hasard, un tel savoir-faire n’est pas immédiatement utile “dans la vie de tous les jours” de ce militaire de carrière.
32C’est moins le cas pour Martin (31ans), un joueur professionnel de poker ayant accepté une entrevue lors d’un autre tournoi de la troisième enquête. Sponsorisé par le site de poker en ligne qui finance la compétition, ses revenus proviennent essentiellement des gains qu’il réalise en tournoi ou sur internet. Pour cet ancien concepteur de jeux vidéo, le jeu a donc une influence réelle sur sa vie quotidienne: “[…] / en fait ça modifie beaucoup ta façon de voir le monde / parce que en permanence tu prends des décisions stratégiques / tu prends des décisions d’évaluation du risque / et donc tu es tout le temps en train de… // enfin le poker est centré sur la notion d’expected value / en gros c’est ce que le jeu te rapporte en moyenne // ça peut te faire perdre / ça peut te faire gagner / mais l’objectif du joueur c’est de calculer au mieux ton EV dans chaque situation / c’est la valeur que chaque situation va générer pour toi // et cette façon de voir le jeu / calcul risque-récompense / tout le temps / ça tu peux l’appliquer à énormément de domaines dans la vie / donc ça influence beaucoup de choses quoi/” (Martin, Bordeaux 2011).
33Issue de la théorie des probabilités, la formule mathématique à laquelle Martin fait référence pourrait se résumer de la façon suivante:
34EV= [probabilité de gagner] x [gains] - [probabilité de perdre] x [pertes].
35Selon lui, cette “notion d’expected value” –ou de valeur attendue– est au fondement de la pratique du jeu. C’est moins le calcul rigoureux que le principe du calcul –à savoir “la valeur que chaque situation va générer”–, qu’il dit utiliser pour prendre des “décisions stratégiques” à l’intérieur du jeu. Martin évoque alors une transposition possible de ce principe vers d’autres “domaines dans la vie”, comme ici dans le cadre d’une négociation marchande: “[…] / par exemple je suis devenu bien meilleur en négociation depuis que je joue / alors qu’avant j’étais timide / je voulais arriver à un accord / je voulais que mon interlocuteur soit content // à un moment donné j’ai compris que c’était un jeu / et que je pouvais prendre des risques dans la négociation / pour avoir des récompenses plus importantes // tu vois / ça change un peu ta personnalité / ta façon de voir le monde // forcément / quand tu es autant dedans/”.
36Pour ce professionnel du poker, l’immersion dans la pratique du jeu aurait fini par modifier sa “personnalité” et sa “façon de voir le monde” jusqu’à lui permettre de vaincre sa timidité pour devenir un “bien meilleur” négociant au quotidien: “à un moment donné j’ai compris que c’était un jeu”, ajoute-t-il pour filer la métaphore. On note que l’expérience du poker est couramment associée chez les joueurs à l’acquisition d’une confiance en soi liée à la dimension agonistique de ce jeu de négociation monétaire (Brody 2013). Cette initiation économique par le jeu (Pariset & Albertini 1980) ne consiste pas, comme le suggère la notion de “transfert d’apprentissage”, à sortir une formule mathématique de son environnement pour l’appliquer à d’autres situations, mais plutôt à transformer certaines situations de la vie courante en un jeu qui implique, au-delà du calcul en question, ses propres “principes de vision et de division du monde” (Bourdieu 1994, 45). À un certain niveau d’engagement dans la pratique, l’intuition mathématique se mue ainsi en un véritable “sens du placement” en dehors du jeu, sorte d’“habitus ludique” (Berry 2012) –au sens où Loïc Wacquant (2002) parle d’“habitus pugilistique” à propos de l’apprentissage de la boxe ou Pierre Bourdieu d’“habitus spécifique” dès lors que “la logique spécifique d’un champ s’institue à l’état incorporé sous la forme d’un habitus spécifique ou, plus précisément, d’un sens du jeu […]” (2003, 25)– qui résulte d’une expérience intériorisée dans le cadre du jeu et qui prédispose le joueur à agir en cohérence dans d’autres “cadres de l’expérience” (Goffman 1991).
37À ce titre, l’apprentissage des mathématiques du jeu participe de ce que Simmel appelle une “forme ludique de la socialisation”, soit une forme de relation et d’action réciproque qui “s’élève en principe au-dessus de tout contenu spécifique” (Simmel 1991, 125). Ainsi le jeu d’argent s’élève-t-il au-dessus de son enjeu, “car même là où l’on joue en vue d’obtenir un prix en argent, celui-ci, qu’on pourrait acquérir d’autres manières, n’est pas l’élément spécifique du jeu, car pour le véritable joueur l’attrait réside dans la dynamique et le hasard de ces formes d’activités sociologiquement importantes” (Simmel 1991, 130). Cette dynamique aléatoire du jeu donne lieu à une socialisation ludique dont les joueurs n’ont pas toujours conscience, mais qui emporte dans son sillage d’autres formes de la vie courante, comme le travail ou la négociation. Or, si le jeu est animé “par l’attrait de ces fonctions mêmes” (Simmel 1991, 130), il n’en demeure pas moins “pénétré dans le sérieux de la réalité de contenus finalisés” (Simmel 1991, 130), nuance l’auteur de la Philosophie des Geldes pour qui l’économie monétaire “crée par elle-même la nécessité de procéder quotidiennement à des opérations mathématiques” (Simmel 1987, 567). Cette propension au calcul n’est certes pas le propre des joueurs de poker, il reste que “l’intellectualité calculatrice qui vit dans ces formes tire sans doute à son tour de celles-ci une partie des forces par quoi elle domine la vie moderne” (1987, 568-569).
38Dans Jeux, modes et masses, Yonnet (1985) a le premier montré l’intérêt d’une analyse sociologique d’un jeu de pari hippique (le tiercé), quand d’aucuns se contentaient de dénoncer la massification d’une pratique jugée décadente. En temps de crise économique, l’examen des apprentissages d’un jeu de hasard et d’argent comme le poker pourrait passer pour une provocation à l’égard de ceux qui y voient déjà un “nouvel opium du peuple”, avec ses “illusions de contrôle” et autres “distorsions cognitives”. L’approche qui guide ce propos n’a pas pour but de défendre ni de pourfendre les pratiques des joueurs, mais elle conduit à “[en] prendre en quelque sorte son parti” (Bourdieu 1993, 1400), y compris lorsqu’elles soulèvent des problèmes sanitaires et sociaux. Cette démarche compréhensive permet d’appréhender les apprentissages fortuits du poker. En sortant d’une conception formelle du hasard pour interroger la structure probabiliste du jeu et les pratiques de calcul des joueurs, cet article suit les traces d’un apprentissage d’ordre mathématique. Exposés à une situation d’incertitude, les joueurs interrogés ont appris par hasard à calculer leurs chances pour prendre des décisions à l’intérieur du jeu. Reste à savoir si cet apprentissage trouve du sens en dehors du jeu. Rien n’est moins sûr pour qui l’attrait du jeu réside dans sa structure aléatoire, mais il y a fort à parier que d’autres, sans doute parmi les plus investis dans le jeu et ses enjeux, ont finalement appris à miser de l’argent sur l’incertain.
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